mardi 22 novembre 2011

CARLOS MONZON



Carlos Monzon s’entraînait à Paris. Sacré champion du monde des poids  moyens, 3 ans auparavant,  il avait déjà 9 victoires à son actif ; j’ignorais tout de lui. Un de mes amis, Maurice Cieutat, ‘’gorille des stars’’, ancien boxeur, avait été engagé pour lui épargner, par sa carrure, l’assaut de ses admirateurs parfois envahissants.
Piqué par la curiosité, intéressé par sa réputation de brute, de fauve détestant parler aux journalistes, je décidais, passons sur les détails superflus, d’assister à son entraînement dans la salle des sports de Neuilly. Je me suis vite lié d’amitié avec son équipe et surtout avec son entraîneur Don Amilcar Brusa. Le super-champion, quant à lui, se montra si peu coopératif, plus qu’hargneux même, que j’eus l’idée saugrenue de réussir à l’apprivoiser.

J’y réussis si bien que je devins le seul reporter avec qui il acceptait de converser, lui si peu bavard, Je me rendis même dans sa ville natale, Santa Fé pour écrire sa biographie. Il était toujours aussi peu loquace, mais sa famille, ses amis, ses relations, avec son accord, le faisaient à sa place et me racontaient presque tout de lui.
Toute une nuit, dans son quartier natal, la Gran China, le secteur le plus mal famé de la ville, aussi accueillant aux étrangers qu’une favela, il fit la fête avec sa bande de copains, soi-disant ‘’infréquentables’’. Eux aussi, j’étais parvenu à les ‘’capter’’. Il but comme une éponge, sans discontinuer, fuma comme un volcan, chanta à s’en arracher les cordes vocales... Couché aux aurores, dormit-il cette nuit-là?  Le matin, à 10 heures, frais comme un gardon, il disputa un match de football  avec son équipe, constituée de toutes les têtes brûlées du quartier de son enfance où les gens ‘’biens’’ ne se seraient jamais risqués. Ils affrontaient un groupe pop très connu en Argentine : los Iracundos.
Après le match, au volant de sa jeep où ses meilleurs copains, s’entassèrent, il partit pour un banquet d’anniversaire auquel il m’avait convié la veille. (Né le 7 août 1942, il célébrait ses 32 ans). J’étais furieux car, avec un grand sourire et l’équivalent d’un bras d’honneur – son humour décalé -,  il m’avait laissé tomber comme un vieux protège-dents…
   Deux ou trois va-nu-pieds de ses amis m’accompagnèrent dans l’immense restaurant où avaient lieu les agapes. Plusieurs centaines d’invités. Où allais-je m’asseoir ? Mi-figue mi-raisin, je me  suis approché de la longue table qu’il présidait et où commençaient à festoyer une cinquantaine de convives. Il éclata de rire quand j’ai croisé son regard. La place d’honneur, juste en face de lui, m’était réservée … Qu’ajouter à cela ?

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